01/19/2012 | Antoine Guinard ( Aujourd’hui l’Inde).
Lors du procès d’une femme indienne accusée d’avoir tué son compagnon nigérian avec lequel elle vivait à New Delhi, le juge en a profité pour dénoncer la vie en couple hors mariage. Une pratique légale mais qui reste largement tabou dans le pays.
Les couples se retrouvent souvent dans les parcs pour un moment d’intimité en Inde
“Un infâme produit culturel occidental”. C’est ainsi que Surinder S. Rathi, un juge de Delhi a qualifié la vie en concubinage, alors qu’il condamnait une femme indienne de 28 ans à sept ans de prison pour le meurtre, trois ans plus tôt, de son compagnon nigérian avec qui elle vivait dans la capitale indienne.
Les propos du juge ont suscité la polémique dans les medias, étant donné qu’il est officiellement légal en Inde pour un couple non-marié de vivre sous le même toit. “Traditionnellement parlant, le concubinage était étranger à notre culture jusqu’à récemment. Même aujourd’hui, cela reste une mode passagère qui ne concerne que les zones urbaines”, a déclaré M. Rathi mardi lorsqu’il prononçait sa sentence.
La cour suprême indienne a tranché en faveur de la vie en couple hors mariage en 2010, lorsque l’actrice tamoule Kushboo, contre qui une vingtaine de procès avait été intentés cinq ans auparavant, a fait appel à la plus haute instance de justice. Kushboo avait défendu le droit des femmes pouvaient à avoir des relations sexuelles avant le mariage, affirmant qu’elles devaient se protéger. Des propos toutefois inacceptables pour une grande majorité de la population indienne, encore largement conservatrice.
Toujours perçu comme immoral
Affirmant que “vivre ensemble n’était pas un crime mais un simple droit de vivre” pour des adultes, les juges de la cour suprême avaient par ailleurs pris l’exemple des dieux hindous Krishna et Radha qui vivaient en couple, sans être maries, selon la mythologie.
Le juge Rathi a toutefois attaqué cette décision de la cour suprême mardi, affirmant que “malgré le niveau de légitimité légale dont bénéficie le concubinage, cette pratique reste largement perçue comme immorale” dans la société indienne.
Difficile de lui donner tord sur ce dernier point. Le mariage reste une institution sacrée en Inde et les couples non-mariés vivant ensemble restes rares, même dans les grandes villes. Jusqu’à récemment, il était interdit pour les couples de se tenir la main en public. Les amoureux, particulièrement en zone rurale, sont régulièrement la cible de la “police morale” ou même de la police tout court.
En novembre dernier, une policière d’Uttar Pradesh (nord) avait mené une campagne contre les couples, organisant des “descentes” dans les parcs publics, ou se retrouve traditionnellement les couples.
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