09/24/2007 | Dorothée Gieux.
A New Delhi, le musée Sulabh International propose une visite ludique et étonnante dans le monde des toilettes. Toute l’histoire des sanitaires dans le monde est retracée grâce à des archives, des témoignages et des modèles de toilettes . Le but de l’opération : sensibiliser la population à l’hygiène.
Le musée Sulabh fait de tous les visiteurs des experts… en matière de toilettes. Ouvert depuis 1970, il revient sur l’histoire des sanitaires et leurs différents modèles, grâce à des explications pédagogiques et une collection de WC venant du monde entier. Le docteur Bindeshwar Pathak est à l’origine du projet. Concerné par le sort des intouchables qui ramassaient les excréments et par la situation hygiénique déplorable de l’Inde, il fait de son musée un instrument d’éducation sanitaire et sociale.
Pour mettre dans l’ambiance, une haute sculpture faite d’excréments trône à l’entrée de l’unique salle du musée. On apprend que les Indiens ont été les premiers à posséder des sanitaires hygiéniques il y a 4500 ans. De l’eau permettait d’évacuer les excréments en circulant dans les canaux creusés dans le sol de chaque maison. La situation s’est ensuite dégradée en Inde tandis que le water closet (WC) avec tuyau d’évacuation est inventé en 1596 par John Hatington et diffusé progressivement en Europe.
En guise d’illustration, le musée possède une petite collection de toilettes. Le modèle le plus remarquable est français. En forme de livre de littérature anglaise, le siège permet de déféquer sur du William Shakespeare. A en croire le musée, les Français se sont toujours intéressés aux toilettes et leurs petits inconvénients : quasiment toutes les anecdotes rapportées ici sont françaises, de Louis XI qui utilisait des plantes pour absorber les odeurs à Louis XIII qui se soulageait en public, en passant par le docteur régent de la Faculté de médecine de Paris Combalusier, qui au XVIIIème siècle déclara le “droit de péter”.
Il ne faut pas se méprendre. Malgré tout le potentiel comique de l’affaire, le musée est une entreprise sérieuse. Il appartient au complexe gigantesque Sulabh International qui emploie 50 000 volontaires. Pour le Dr Pathak, les toilettes ne sont pas une simple affaire privée mais un objet de santé publique. Aujourd’hui, 63,6% des foyers en Inde ne sont pas équipés de sanitaires. “A travers les toilettes, ce sont les problèmes d’hygiène et de pollution qui sont en jeu”, explique-t-il. Dans le laboratoire, les équipes mettent au point des méthodes de retraitement des eaux, et ont même trouvé le moyen de faire de l’électricité à partir de l’urine.
La plus grande fierté du Dr Pathak : avoir réintégré 60 000 intouchables dans la société. Leur travail consistait à ramasser les excréments faute de toilettes adéquates dans les maisons. Le mépris dont ils étaient victimes en raison de leur métier pourtant nécessaire est le grand paradoxe que dénonce le Dr Pathak. “Il faut savoir que les intouchables étaient condamnés à faire du bruit sur leur passage afin que les autres aient le temps de s’écarter à temps, dit-il. Avec des toilettes appropriées, le problème de ces intouchables est réglé.”
Le musée des toilettes Sulabh International se situe à: Mahavir Enclave, Palam Dabri Marg, New Delhi. Tél. : (0091) 11 25 03 15 18. Pour consulter le site internet du musée : cliquer ici