02/10/2008 | Iris Deroeux.
La situation des femmes en Inde n’a jamais été enviable. Plus grave encore, elle se détériore. Les dernières études réalisées sur le sujet sont inquiétantes : les agressions et crimes (dénoncés) augmentent, la participation des femmes à l’envolée économique est mauvaise, et “naître femme” est toujours aussi difficile. Voici une autre facette de l’Inde qui brille.
Le deuxième sexe se porte mal en Inde. En 2007, le pays est classé à la 114ème place sur les 128 pays où le Forum économique mondial a étudié l’écart entre les sexes (1). Le rapport annuel du Forum révèle à quel point les Indiennes sont mal intégrées à l’économie hormis au secteur agricole, l’accès difficile à l’éducation et aux soins. Le ratio homme-femme à la naissance tire définitivement l’Inde vers le bas, avec 0,89 femmes naissant pour 1 homme, entre autres à cause de l’avortement sélectif et de l’infanticide sur les filles. Ce classement déplorable a été évoqué lors d’une session parlementaire, en décembre dernier. La ministre pour le Développement de la femme et de l’enfant Renuka Chowdhury a alors précisé qu’elle avait demandé une augmentation de son budget pour s’attaquer au problème. Rien de plus.
Le problème est tellement vaste et diffus qu’il a de quoi effrayer. Tous les indicateurs sur la situation des femmes montrent une dégradation de leur condition au cours des dernières années. Les crimes à leur égard ont augmenté. En 2006, 53 femmes ont été violées chaque jour en moyenne; soit 3 501 cas de plus qu’ en 2005 selon les statistiques du National crime records bureau qui estime en outre que 71 % de ses crimes ne sont pas dénoncés. Une année 2006 particulièrement noire : les meurtres de femmes liés à la dot (2) ont augmenté de 12 % par rapport à 2006, des meurtres que dénoncent les associations féministes du pays depuis les années 1970. Notons que la loi votée en 2006 afin de protéger les femmes de la violence domestique –et donc des crimes liés à la dot- vient seulement d’entrer en vigueur, en octobre 2007.
Cette situation ne se limite pas à l’Inde rurale, où les femmes sont plus particulièrement touchées par les violences de castes. Les grandes villes enregistrent des records de criminalité, et connaissent un genre de crimes nouveau. Le dernier fait divers repris en Une de tous les grands médias nationaux concernait deux jeunes filles très brutalement molestées par 70 hommes qui ont collectivement “pété un plomb” à la sortie d’une discothèque, le soir du nouvel an, à Juhu, un quartier branché de Bombay. Un fait divers qui a interpellé médias et sociologues : le harcèlement et la violence envers les femmes dans les grandes villes s’expliquerait par le refus des hommes venus de tous les milieux sociaux, empreints de valeurs traditionnelles, d’accepter le nouveau statut des femmes et leur présence dans des lieux qui leur étaient d’habitude réservés.
Les femmes indiennes évolueraient donc dans une société patriarcale, machiste et violente. Le cercle vicieux se referme avec un système policier en lequel elles n’ont pas confiance et pour cause : la National commission for women dénonce le harcèlement subi dans les postes de polices et affirment que 5 % des plaintes qu’elle reçoit concernent des agressions policières.
Le combat associatif continue, en espérant que le gouvernement prenne la mesure du problème et fasse de la condition des femmes une priorité. Le blog Blank Noise est un exemple d’initiative civile pour discuter et dénoncer le harcèlement quotidien dans le pays. Depuis 2003, des volontaires tentent de faire comprendre aux hommes et aux femmes que “la violence sexuelle de rue” (3) est anormale, le tout avec beaucoup d’originalité et d’humour. Sur ce site, “deviens une action hero en racontant comment tu as su faire face au harcèlement quotidien”.
(1) Le World economic forum (Forum économique mondial) rend un rapport annuel sur l’écart entre les sexes (Global gender gap). En 2007, la Suède était en première position. La France se classe à la 51ème place, une mauvaise position qui s’explique par les disparités entre hommes et femmes au travail. Pour plus d’informations, consulter le site internet du Forum : cliquer ici
(2) La dot est une somme d’argent que la femme doit verser à sa belle famille au moment du mariage. Cette pratique ancestrale a été abolie en 1961 par le Dowry Prohibition Act, mais elle n’a pas disparu. Si le montant de la dot est jugé insuffisant, un conflit peut éclater avec la belle famille, menant parfois à l’agression ou au meurtre de la femme mariée. Les cas de femmes battues, brûlées ou assassinées pour des affaires de dot sont fréquemment relayés par les médias.
(3) Blank Noise parle de “eve teasing” : les regards, attouchements et autres harcèlements quotidiens auxquels font face les femmes. Un harcèlement souvent considéré comme normal et sans conséquences. Découvrir le blog de Blank Noise en anglais : cliquer ici