Economie

08/11/2011 | Jeanne Leclercq.

Comment l’Inde résistera-t-elle à la deuxième crise mondiale en moins de 3 ans ? Malgré les déclarations rassurantes des autorités, les perspectives sont mitigées pour le sous-continent, qui affiche une moins grande solidité qu’avant 2008.

L’heure est à l’incertitude pour les traders de Bombay

Parti des Etats-Unis, le nouveau séisme de l’économie mondiale ne manquera pas d’affecter le sous-continent. La bourse de Bombay accuse déjà le coup depuis le début de la semaine, avec une série d’ouvertures en baisse. L‘heure est à l’incertitude pour l’Inde; le 14ème plus gros créancier des Etats-Unis, qui possède pour 29 milliards d’euros d’obligations américaines, voit le monde vaciller, alors que son économie est fragilisée.

En 2011, le sous-continent apparaît en effet dans une position moins avantageuse qu’en 2008 ; la crise des subprimes avait alors ébranlé l’économie du pays, mais le gouvernement avait pu mettre en œuvre des mesures pour limiter les dégâts. Aujourd’hui, deux facteurs risquent d’handicaper la capacité de réaction des autorités : le taux de croissance, inférieur à celui de 2008, et l’inflation.

Pieds et poings liés par l’inflation

Le taux de croissance indien, s’il est toujours impressionnant, n’a pas vraiment récupéré de la baisse forcée subie en 2008-2009. Alors qu’il était de 9,2% juste avant la crise, il a chuté jusqu’à 6,8%, pour regagner aujourd’hui un ” modeste ” 7,2%. Un ralentissement de l’économie comparable à celui de 2008 viendrait donc cette fois sérieusement entamer le taux de croissance indien, sans perspective de récupération rapide.

Mais c’est surtout l’inflation, en constante augmentation à près de 9%, qui vient sérieusement entamer la marge de manœuvre du gouvernement, tout en risquant d’amplifier les effets de la crise. La récente décision de la banque centrale indienne, très critiquée, de relever les taux d’intérêts pour limiter la hausse des prix, a par exemple déjà coûté 5% aux actions de TATA Motors, en ralentissant la demande. Une mesure inévitable pour lutter contre l’inflation peut voir son coût démultiplié en temps de crise.

Sur le plan politique, l’inflation prive le gouvernement de bien des armes. En 2008, l’Etat avait notamment compensé les effets de la crise en injectant des liquidités dans le système bancaire et en allouant d ‘importantes allocations aux catégories les plus touchées. De telles mesures ne seront plus possibles désormais, ou ne feront que relancer l’inflation.

Des exportations menacées

Si la crise se confirme en Occident, plusieurs secteurs de l’économie risquent pourtant d’avoir besoin de soutien dans les prochains mois. L’Inde est une économie exportatrice et la baisse de la demande extérieure pourrait lui coûter cher, comme en 2008-2009, où l’Inde avait enregistré une baisse de 25 à 30% de ses exportations. Les Etats-Unis et l’Europe, au cœur de la crise actuelle, représentent à eux seuls 35% des exportations indiennes en 2010-2011 ; ils ont acheté respectivement pour 14 et 31,5 milliards d’euros de produits indiens.

Des pans entiers de l’économie indienne reposent sur les exportations à destination des Etats-Unis. Le marché américain fournit par exemple les 2/3 des recettes du secteur informatique et 30% des revenus de l’industrie pharmaceutique. Une baisse significative de la demande ébranlerait donc sérieusement le dynamisme de ces secteurs. Et il n’est pas certain que le marché domestique, malgré ses 1,2 milliards de consommateurs potentiels, soit à même d’assurer la relève avant longtemps.

Une confiance inébranlable, ou presque

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Malgré tout, le ministre des finances indien, Pranab Mukherjee, a exprimé dès lundi sa confiance dans la solidité de l’économie indienne, à laquelle, selon lui, de nouvelles perspectives peuvent s’ouvrir. “Les évènements récents aux Etats-Unis et dans la zone euro ont injecté une certaine incertitude dans les marches mondiaux. Cela pourrait avoir un impact en Inde,” a-t-il déclaré au parlement. ” Mais comme la croissance indienne repose sur des bases solides, nous sommes dans une meilleurs situation que bien d’autres nations pour supporter cette épreuve. […] Il se pourrait que l’Inde apparaisse à terme comme une destination attractive pour les investissements étrangers, même s’il y a un recul dans un premier temps.”

Une analyse partagée par Jayati Gosh, professeur d’économie à l’université de JNU, mais dont elle tire des conclusions moins optimistes. ” A court terme les perspectives sont bonnes, puisqu’on peut s’attendre à une augmentation des investissements étrangers, ce qui amènera davantage de croissance, “ reconnaît-elle. ” Mais à mon avis, à long terme ce n’est pas une bonne nouvelle ; la croissance que connaît l’Inde en ce moment n’est pas soutenable, c’est une bulle due à un afflux de capitaux, qui se traduit surtout par des investissements dans le bâtiment et l’immobilier, des placements qui ne font qu’augmenter les inégalités. Et comme toutes les bulles, elle est vouée à éclater un jour ou l’autre.”
Peut-être que de là viendra la véritable crise pour l’économie indienne.

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